Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/473

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raires, des colonnes et des lettres gravées en creux, tous ces détails rappellent la Libye et Antée, véritable brigand enfanté par la terre pour provoquer à la lutte et dépouiller les étrangers. Voilà les exploits du monstre, voilà comme il ensevelissait, dans la palestre même, ceux qu’il tuait ; en face de lui, la peinture amène Héraclès. Le héros s’est déjà emparé des fameuses pommes des Hespérides. Tromper la vigilance des Hespérides était facile : mais tuer le dragon, voilà la merveille. Sans prendre le temps de fléchir le genou, comme on dit, encore tout haletant de la fatigue d’une longue route, Héraclès se prépare au combat. Son regard est fixe ; c’est qu’il songe à la lutte, qu’il étudie ses mouvements ; il a mis un frein à sa colère, pour ne point s’emporter au delà de la prudence. Gonflé d’orgueil et plein de mépris pour son adversaire, Antée semble lui adresser ces paroles : « Malheur à ceux dont les fils… » et d’autres semblables, et par ces injures il affermit son propre courage. En supposant Héraclès rompu aux exercices de la lutte, il n’eût point été autre qu’il n’est ici représenté, tant il paraît robuste, tant on le juge adroit lutteur, à le voir si bien proportionné. Il a d’ailleurs la taille d’un géant et une beauté plus qu’humaine : son sang a de l’éclat ; ses veines, gonflées par la colère, sont comme en travail. Antée lui inspire, je crois, quelque frayeur, mon enfant ; il ressemble en effet à une bête féroce, ayant presque la même dimension en longueur et largeur ; le cou est uni aux épaules de telle sorte que la plus grande partie de celles-ci semble appartenir au cou ; son bras a la même épaisseur que les épaules ; cette poitrine, ce ventre qui semblent comme faits au marteau, cette cuisse mal tournée et trop lourde donnent à Antée une grande force, mais enchaînent ses mouvements et lui ôtent le secours de l’art. Voilà pour la scène qui précède la lutte. Mais tu as aussi sous les yeux la lutte elle-même ou plutôt la fin de la lutte et la victoire d’Héraclès. Le héros vient à bout de son adversaire en l’élevant au-dessus du sol ; car la terre se soulevait d’elle-même pour secourir Antée et le redressait comme à l’aide d’un levier, toutes les fois qu’il fléchissait. Héraclès après avoir vainement lutté contre une telle manœuvre, saisit Antée par le milieu du corps, au-dessus du ventre, à l’endroit des flancs, le soulève sans fléchir lui-même, le presse contre sa cuisse, maintient ses deux bras, et plaçant le coude au-dessous des parties molles du ventre qu’il écrase, il arrête la respiration et tue Antée en lui enfonçant dans le foie l’extrémité aiguë des côtes. Tu le vois gémissant et l’œil fixé sur la terre qui ne peut le secourir ; Héraclès au contraire, dans la plénitude de ses forces, sourit à son ouvrage. Considère avec attention