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dans la peinture des Nasons, citée par Friederichs, Antée ne jette pas la tête en arrière mais regarde devant lui. Quant aux peintures de vases, elles ne sauraient être comparées à notre tableau ; elles représentent en effet un autre moment de la lutte : Héraclès aux prises avec Antée ne s’est pas encore avisé de soulever son adversaire et de lui ravir ainsi le secours de la Terre qui le rendait invincible[1].

La peinture nous montre un troisième personnage, Hermès couronnant le vainqueur. Ce rôle est ordinairement attribué à la Victoire sur les monuments figurés ; mais nous ne voyons pas pourquoi Hermès, qui présidait aux luttes du gymnase, qui était le messager des dieux, n’aurait pas remplacé la victoire, surtout quand l’athlète était fils de Jupiter. D’ailleurs Hermès n’était point condamné à ne porter que le caducée ; sur un vase du musée de Naples[2] qui représente Electre assise au pied d’une stèle funèbre, le dieu, placé derrière Electre, tient à la main une couronne et s’apprête à la déposer, soit sur la tête d’Electre, soit sur le chapiteau de la colonne. Cette couronne est-elle une offrande aux mânes d’Agamemnon ? présage-t-elle à Oreste et à Electre le succès de leur entreprise ? c’est ce que la critique n’a pu décider avec certitude ; mais cetle peinture prouve du moins que les artistes savaient au besoin changer les rôles et surtout modifier les attributs.



XXII

Héraclès parmi les pygmées.


Héraclès s’étant endormi sur la terre de Libye après avoir tué Antée est assailli par les Pygmées qui veulent venger Antée, disaient-ils, car ils sont frères du géant, des frères qu’il peut avouer : ce ne sont pas des athlètes ni des lutteurs émérites, il est vrai, mais ils sont fils de la Terre, et d’ailleurs robustes. À leur sortie du sol, le sable ondule comme les flots de la mer. Les Pygmées en effet habitent sous la terre, comme les fourmis ; ils ont leur grenier de réserve et se nourrissent non sur le bien

  1. Stephani (Compte rendu de la Comm. arch. de Saint-Pétersb. 1866, p. 13 et suiv.) considérant que dans la Métope du Théseion Antée touche encore la terre de ses pieds, que sur les peintures de vases Antée et Héraclès posent toujours sur le sol, qu’avant Apollodore, grammairien du IIe siècle av. J.-C., il n’est fait mention nulle part du stratagème employé par Héraclès, conclut que cette particularité n’a été connue que fort tard de la légende et de l’art antique, et que Philostrate et Libanius ont dû penser dans leur description à des œuvres d’époque romaine. Nous sommes bien convaincu, pour notre part, que les tableaux décrits par Philostrate, s’ils ont été exécutés, appartiennent à une époque très postérieure à l’âge classique ; malgré l’absence de preuves en sens contraire, il nous paraît moins démontré que l’art romain ou même l’art postérieur à Alexandre, ait seul représenté Héraclès soulevant de terre Antée. Aucun sujet d’ailleurs ne paraît avoir été plus fréquent dans l’art antique. Stephani, dans l’ouvrage et l’endroit déjà cités, énumère les statues, les peintures de vases et autres, les mosaïques, les pierres gravées et les médailles qui représentent la lutte d’Antée et d’Héraclès. Il fait remarquer toutefois que beaucoup de pierres gravées ne sont pas véritablement antiques.
  2. Overbeck, Die Bildw., 28, 5 ; texte, p. 688, no 15.