Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/479

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d’autrui, mais sur leurs provisions propres et leur récolte. Car ils sèment et moissonnent, traînés par un attelage de chevaux nains ; on dit même qu’ils se servent de la hache contre les épis qui sont pour eux des arbres. Admire leur audace ! les voilà qui s’avancent vers Héraclès et qui prétendent le tuer pendant son sommeil ; d’ailleurs ils ne le craindraient pas, même s’il était éveillé. Héraclès, vaincu par les fatigues de la lutte, dort mollement étendu sur le sable ; la bouche ouverte, il respire de toute la force de ses poumons et, pour ainsi dire, s’emplit de sommeil. Le sommeil personnifié se tient à ses côtés, se glorifiant, je suppose, d’avoir terrassé Héraclès. Antée est aussi couché, mais par une merveille de l’art, Héraclès respire et conserve la chaleur de la vie, tandis qu’Antée paraît un cadavre, une dépouille aride que la terre attend. L’armée des Pygmées a donc enveloppé Héraclès ; une phalange dirige ses attaques contre la main gauche ; ces deux compagnies marchent contre la main droite qui est une position plus forte ; des archers font le siège des pieds et toute une troupe de frondeurs celui des cuisses qui les frappent de stupeur par leur masse. L’assaut de la tête paraissant plus difficile, c’est là que s’est porté le roi avec un corps d’élite. Ils approchent des machines comme pour emporter une citadelle ; voici le feu pour embraser sa chevelure ; voici un hoyau à deux pointes pour lui crever les yeux, voici des portes pour fermer sa bouche, d’autres pour fermer ses narines ; car il ne faut point qu’Héraclès puisse respirer, quand la tête sera prise. Ceci a lieu pendant son sommeil, mais vois comme le héros se dresse de toute sa hauteur, comme il rit à la vue de ses formidables ennemis, comme il les enveloppe tous pêle-mêle dans sa peau de lion, et se dispose, je pense, à les porter à Eurysthée.



Commentaire.


Les Pygmées sont surtout célèbres dans la mythologie antique par leurs combats avec les grues : Homère compare déjà le cri des Troyens marchant contre les Grecs au cri rauque des grues, lorsque fuyant les frimas et les grandes pluies de l’hiver elles volent jusqu’au fleuve Océan pour porter aux Pygmées le carnage et la mort[1]. Sur les monuments cette lutte est représentée de cent façons différentes ; tantôt un seul Pygmée est aux prises avec une seule grue ; tantôt c’est une mêlée générale, divisée en groupes distincts, comme le combat des Amazones et des Athéniens sur la frise du temple de

  1. Hom., 12, Il., 3 et suiv. Sur cette question des Pygmées et les monuments qui les représentent, voir Jahn, Arch. Beiträg., no XVII.