Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/480

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Bassæ. Tantôt les Pygmées sont armés de la lance et du bouclier comme des héros ; tantôt ils brandissent la massue comme Héraclès dont ils portent quelquefois la peau de lion sur la tèle où sur les bras ; tantôt ils sont nus et tantôt armés de toutes pièces ; tantôt c’est le Pygmée qui succombe sous les coups de bec et de griffe ; tantôt c’est la grue qui a reçu une blessure mor- telle et que le Pygmée triomphant emporte sur ses épaules.

Il est plus rare de rencontrer les Pygmées associés à Héraclès lui-même. On cite cependant un fragment de bas-relief (4) qui représente un Pygmée se glissant le long d’une échelle et se penchant pour boire furlivement dans une coupe qu’Héraclès, d’ailleurs distrait et portant ailleurs ses regards, tient à la main. Quant à la légende d’après laquelle Héraclès aurait été assailli par les Pygmées, nous ne la connaissons que par notre peinture ; l’artiste l’avait- il empruntée aux poèles ou l’avait-il inventée pour avoir un piquant sujet de tableau ? c’est ce que nous ne saurions dire. Quand Héraclès endormi semble laisser une proie facile à ses ennemis, ce sont les satyres qui l’en- tourent, qui lui dérobent sa massue et son arc ; ce fut une idée ingénieuse que de substituer les Pygmées aux salyres et que de donner à ces nains, fils de la Terre, une hardiesse que les satyres ne montrent pas ; le contraste entre le héros assailli et ses agresseurs n’en est que plus frappant ; el la vengeance prêtera à rire ; quelle aventure, en effet, est plus plaisante que celle de ces nains présomptueux qui, après avoir déployé contre Héraclès loutes les res- sources de la poliorcétique la plus raffinée se laissent ramasser comme par un coup de filet et disparaissent tous dans les plis d’une peau de lion ?

Les commentateurs ne sont pas d’accord sur le véritable sujet de notre tableau. Welcker prétendait qu’Héraclès était représenté au moment où il se réveillait, se redressait ; où par ce seul mouvement il débusquait de toutes ses positions l’armée d’attaque et faisait des prisonniers qu’il serrail soigneu- sement dans sa peau de lion. Toute la description du siège, Philostrate l’aurait faite d’imagination, pour expliquer la dernière scène de l’histoire, la seule qui fût représentée. Jahn n’admet pas cette supposilion : si elle était vraie, dit-il, je ne comprends pas comment Philostrate peut dire que l’on voit Héraclès respirer avec force et que près de lui se lient le dieu du sommeil tout fier d’avoir dompté le héros. Il croit donc, avec Heyne, que toute la fin de ce morceau est en récit ; que Philostrate en s’écriant « vois, comme il se redresse » veut simplement répondre à la pensée du spectateur, qui à la vue 3 du héros assailli par des nains, pressent le moment où, en riant, il les chargera tous sur son épaule. Aux arguments de Jahn, il en faut joindre un autre, tiré de la disproportion entre les deux descriptions ; Philostrate décrirait si longuement ce qu’il n’a pas vu et passerait si vite sur ce qu’il voit ! Le véri- table sujet serait le réveil d’Héraclès, et dans l’ecphrasis de Philostrate, il


(1) Guattani, M. J., 1816, Zoega, bassiril., 69.