Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/482

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aurait, dans le texte de notre auteur, aucun trait qui ne fût descriptif et qui n’eût rapport au tableau. Héraclès en effet ne pouvait être représenté tout à la fois dormant et s’éveillant. En dernière analyse, il faut choisir entre deux suppositions : ou le tableau représente Héraclès endormi et tout ce que dit Philostrate du réveil d’Héraclès n’est pour le sophiste qu’un moyen de nous rappeler, sous forme de description, la fin de l’aventure, ou l’artiste avait représenté deux scènes distinctes. Pourquoi, en effet, n’aurait-on pas aperçu, sur le premier plan, l’assaut livré à Héraclès par les Pygmées, et sur un plan plus reculé, Héraclès s’éloignant avec sa proie vivante en sautoir sur ses épaules ? Un mot semble, au premier abord, s’opposer à cette hypothèse : Philostrate dit en effet que le héros se redresse, non qu’il s’est redressé ; mais c’est là une de ces manières de parler que Philostrate affectionne, parce qu’il les croit favorables à l’illusion et de nature à relier pour l’imagination des spectateurs des scènes nécessairement séparées par un intervalle de temps plus ou moins long.

Quel aspect présentaient les Pygmées ? Ctésias[1], qui place les Pygmées dans l’Inde, en fait un portrait hideux. C’étaient, dit-il, de petits hommes hauts de deux coudées au plus, le plus souvent d’une demie, noirs et camus ; leurs parties naturelles descendaient jusqu’à la cheville ; leur chevelure était si longue et si épaisse qu’elle pouvait leur servir de vêtements. Nous reconnaissons quelques-uns de ces traits sur les monuments figurés : nez trop court, tête trop grosse, espèce de crête de coq sur la tête, jambes torses, formes pesantes, tels se montrent à nous les Pygmées des vases peints ou des pierres gravées. Était-ce aussi le cas dans le tableau de Philostrate ? Jahn, parlant du bas-relief mentionné plus haut qui représente un Pygmée buvant dans la coupe d’Héraclès, fait observer que le Pygmée n’est point ici un nain difforme. C’est que dans ce sujet, ajoute-t-il, il s’agissait surtout d’opposer le nain au géant, non de provoquer le rire par une parodie de combat entre adversaires à peu près égaux, comme dans la lutte entre les Pygmées et les Grues. Dans le tableau de Philostrate, le point important, c’était aussi la taille des Pygmées, non leur laideur ; on peut croire avec quelque vraisemblance que cette laideur avait été atténuée par l’artiste.



XXIII

Héraclès furieux.


Luttez contre Héraclès, braves serviteurs, et repoussez-le en avançant vous-mêmes. Que du moins il épargne celui de ses enfants qui vit encore, deux sont déjà morts, et l’arc à la main, il vise le troisième,

  1. Ctés. Ind., II, dans Photius. Bibl., c. lxxii.