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comme dans notre tableau, assailli Héraclès à coups de pierres. Héraclès emmenait le bœuf pour le tuer ; sinon, à quoi lui aurait servi de brandir sa massue ?



XXV

Les funérailles d’Abdère.


N’allons pas croire, mon enfant, que ravir les cavales de Diomède et les faire périr sous la massue, ait été pour Héraclès une dure épreuve. L’une déjà morte est gisante ; l’autre râle ; celle-ci semble vouloir se relever ; celle-là s’affaisse ; toutes ont la crinière hérissée, le sabot velu ; ce sont de vraies bêtes fauves. Les mangeoires sont abondamment remplies de chairs et d’ossements humains, seule nourriture en usage dans les écuries de Diomède, et voilà le maître lui-même plus sauvage encore que ses cavales auprès desquelles il est tombé. L’épreuve la plus terrible pour Héraclès est celle qui lui fut imposée par Eros après tant d’autres : car une cruelle douleur vient ici s’ajouter à la fatigue ; le voilà qui emporte, après l’avoir arraché à la dent des cavales, le corps demi-dévoré d’Abdère ; jeune encore et dans un âge plus tendre qu’Iphitos, le malheureux a servi de repas à ces monstres. Ce qui reste de lui permet encore de juger ce qu’il était ; ils conservent encore leur beauté, ces débris que renferme la peau de lion. Si le héros a versé des larmes sur cette dépouille inanimée, s’il a jeté ses bras autour du cadavre, s’il a proféré des gémissements, si son visage est assombri par la douleur, ce sont là des marques d’affection données à d’autres amants ; quelques-uns élèvent sur la tombe du bel adolescent qu’ils ont aimé une stèle qui parle de lui avec honneur ; un hommage plus rare est réservé à Abdère ; Héraclès fonde une ville que nous appelons Abdère de son nom ; il établira ensuite des jeux et près du tombeau on se disputera le prix du pugilat, du pancrace, de la lutte, de tous les exercices, la course des chevaux exceptée.



Commentaire.


Eurysthée ordonna à Héraclès, pour huitième travail, de lui amener à Mycènes les juments de Diomède, fils d’Arès et de Cyrène, roi des Bistoniens. Ces cavales se nourrissaient de chair humaine ; dans l’Alceste d’Euripide, le chœur avertit Héraclès, récemment débarqué pour cette expédition, qu’il verra des crèches arrosées de sang[1]. Le héros, aidé par quelques jeunes gens de bonne volonté, s’empara des cavales, les soumit au frein, et

  1. Eur. Alc., 496. Cf. Herc. fur., v. 380.