Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/492

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monté sur le char même du roi, les poussa vers la mer. Les Bistoniens ac- coururent pour les reprendre ; il fallut combattre. Abdéros, un fils d’Hermès, dont le héros était épris, fut chargé de garder les cavales, mais il ne put les contenir et fut dévoré. Vainqueur, Héraclès tua Diomède, le livra en pâture à ses chevaux, et batit une ville du nom d’Abdère. Selon les uns, il massacra les cavales ; selon les autres, il les emmena et les donna à Eurysthée qui les mit en liberté.

Les commentateurs varient sur le sens de cette légende. Le stoïcien Cléan- the prétendait que Diomède, roi de la Thrace, forçait les étrangers à entrer dans le lit de ses filles qui étaient des monstres de laideur, Le mot grec qui signifie jument s’applique quelquefois en effet aux femmes de mauvaise vie (1). Les mythologues modernes qui voient dans Héraclès un dieu solaire veulent que Diomède soit un roi de la tempête, ses cavales, les souffles de l’ouragan qui poussent les navires sur les rochers et qui tombent, dès que les rayons du soleil commencent à percer entre les nuages ; Abdère, fidèle compagnon d’Héraclès, serait alors l’étoile du matin (2).

Cette légende, comme toutes celles qui concernent Héraclès, appela l’at- tention des artistes. Tantôt ils représentent Héraclès saisissant par la bride ou par la tête les cavales fougueuses : admirable occasion pour faire piaffer des chevaux et pour tendre, dans un vigoureux effort, tous les muscles d’un corps robuste (3) ; tantôt, comme sur un bas-relief du Louvre, Héraclès, qui a tué les cavales gisantes sur le sol, pèse de sa main sur la tête de Diomède qui s’affaisse ; tantôt, comme sur le trône d’Amyclées, Héraclès chatiait Diomède : quel était ce châtiment ? Héraclès assommait-il Diomède d’un coup de massue, comme sur une médaille d’Antonin le Pieux (4) ? Le livrait-il en pâture à la dent de ses cavales, suivant la tradition ? Pausanias avant de commencer sa description du trône d’Amyclées avertit lelecteur que pour ne pas le fatiguer il sera avare de détails sur chaque sujet ; ce scrupule est d’autant plus méritoire chez Pausanias qu’il est plus rare, mais d’autant plus fâcheux en celle circonstance qu’il nous prive d’une comparaison avec Philostrate, D’autres artistes avaient montré Abdère déchiré par les che- vaux (5) ; enfin dans la peinture qui nous occupe, Héraclès emportait les restes d’Abdère dans sa peau de lion et s’apprètait à les ensevelir.

Les chevaux de Diomède et Diomède lui-même étaient étendus morts ou mourants sur le sol ; l’artiste n’avait donc pas suivi la légende d’après laquelle les chevaux auraient été amenés à Mycènes. On conçoit d’ailleurs aisément

(1) Elien., N. 4., IV, 11.

(2) Preller, I, 201 ; Decharme, Myth. gr. p. 490.

(8) Groupe du Vatican, M. P. CL., pl. IV, 40, 41, 42 ; conque de la Villa Albani, Winkelm M. inéd., 2, XXXN ; bas-relief ayant appart, au cardin. Borgia (Millin, Gal. myth., pl. XVI, n° 453).

(4) Mionn., Suppl. IX, pl. 8, 24.

(8) Vaso de Volci, édité par Roulez (Acad. roy. de Brux., t. IX, n° 3).