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XXVI

Présents d’hospitalité.


Ce lièvre enfermé dans une cage a été pris au filet ; il est assis sur ses pattes de derrière et remue doucement celles de devant ; il dresse l’oreille et ouvre les yeux aussi grands qu’il peut ; il voudrait regarder derrière lui, tant il est inquiet et sans cesse tremblant ; cet autre qui est suspendu à une branche de chêne desséchée, le ventre ouvert et les pattes dépouillées, témoigne de la vitesse du chien assis au pied de l’arbre pour se reposer et aussi pour montrer que seul il a pris la bête. Voici des canards, au nombre de dix (tu peux les compter) et des oies en nombre égal ; il n’est pas besoin de tâter les uns ni les autres ; ils ont été plumés tout autour de la poitrine qui est l’endroit le plus gras chez les oiseaux aquatiques. Aimes-tu les pains au levain ou les pains octablomes[1], ils sont ici près dans une profonde corbeille. Aimes-tu avec le pain un assaisonnement, ces pains eux-mêmes te l’offriront, car ils sont apprêtés avec le fenouil, le persil et les pavots qui procurent un si doux sommeil. Es-tu impatient d’être à table : renvoie ces provisions au cuisinier, mais en attendant, régale-toi des bonnes choses qui n’ont pas besoin de voir le feu. Pourquoi ne t’empares-tu pas de ces fruits qui s’élèvent en deux corbeilles ? ne sais-tu pas que, pour peu que tu attendes, tu ne les retrouveras plus tels qu’ils sont maintenant, avec leur parure de rosée ? Ne regarde pas non plus avec indifférence les friandises, si tu n’as pas d’antipathie contre les nèfles et contre les châtaignes, ce fruit étrange, à l’enveloppe hérissée de pointes, qui vient sur le plus lisse des arbres. Ni le miel ni rien de ce qui lui ressemble n’a de prix à côté de cet amas de figues, de cette palathé, c’est le nom usité ; rien n’est plus doux que ce fruit. Quant au panier, les feuilles de figuiers qui l’enveloppent lui donnent encore un aspect plus agréable. Je crois voir la peinture offrir ces présents au maître du sol qui les produit, mais ce maître est sans doute au bain, songeant à un vin de Pramne ou de Thasos, lorsqu’il pourrait boire un vin délicieux à sa table, revenir à la ville tout parfumé de vendange et d’oisiveté, et se mêler aux citadins avec le hoquet de l’ivresse.



Commentaire.


À ce tableau de nature morte, comme nous dirions, il serait aisé de trouver

  1. Mot à mot de huit bouchées. Il est probablement question de pains divisés en compartiments par des sillons allant du centre à la circonférence ; les peintures campaniennes offrent des pains qui ont cet aspect.