Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/506

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de la scène ; mais on sait maintenant de façon certaine que les effets de lumière n’étaient point inconnus à la peinture antique[1]. On peut conclure : en supposant que le tableau ait été inventé de toutes pièces par Philostrate, il n’a rien qui trahisse le secret de cette origine ; si la description du sophiste n’est point faite d’après un tableau, un artiste ancien aurait pu exécuter le tableau d’après la description du sophiste.



XXX

Evadné.


Que signifie ce bûcher sur lequel gisent des victimes égorgées et un cadavre d’une taille extraordinaire ? Quelle est cette femme qui s’élance avec tant d’impétuosité dans les flammes ? Ce tableau, mon enfant, nous transporte dans la ville d’Argos, où Capaneus est enseveli par ses proches ; c’est à Thèbes que le héros est mort, lorsqu’il avait déjà escaladé les murs de la ville. Tu sais par les poètes comment il fut foudroyé par Jupiter en punition de son arrogance et comment il expira avant même d’avoir atteint le sol dans sa chute, le jour où les autres chefs périrent aussi sur la terre cadméenne. Après la victoire des Athéniens qui leur assure à tous la sépulture, Capaneus est exposé ; les mêmes honneurs lui seront rendus qu’à un Tydeus, à un Hippomédon et aux autres ; mais il en est un qui le met au-dessus de tous les rois et capitaines. Evadné a résolu de mourir sur son cadavre ; elle n’approche point l’épée de sa gorge, elle ne se suspend point à un lacet, tous genres de mort choisis par des veuves désolées ; mais elle se jette dans le feu, persuadée qu’elle ne retrouverait pas son mari, si son mari ne la retrouvait à ses côtés. Tel est l’hommage funèbre rendu à Capaneus. Sa femme, imitant ceux qui parent les victimes de couronnes et d’or pour rendre le sacrifice plus solennel et plus agréable aux dieux, a revêtu ses plus beaux ornements ; ses regards ne veulent point exciter la pitié ; on dirait qu’en s’élançant au milieu des flammes elle appelle son mari, car elle semble crier : je ne doute pas que pour sauver Capaneus elle n’eût exposé sa tête aux coups de la foudre. Les Amours se sont chargés d’allumer le bûcher avec leurs torches ; loin d’en être souillée, la flamme de leurs flambeaux n’en sera, pensent-ils, que plus belle et plus pure, quand elle aura servi à rendre les derniers honneurs à ceux qui ont su aimer.



Commentaire.


Le sujet de ce tableau est emprunté aux Suppliantes d’Euripide. Les traits

  1. Voir l’introduction, P. 129 et Helbig, Untersuch., p. 211 et suiv.