Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/509

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ris, le candys et les bêtes fantastiques de toutes sortes que les barbares brodent sur les étoffes, mais bien pour ces fils d’or habilement mêlés au tissu et disposés suivant des formes qu’ils ne sauraient plus perdre ; et aussi, que Jupiter m’en soit témoin, pour la figure de ces eunuques. C’est également de l’or véritable qui brille dans cette cour du palais peinte de manière à ne pas paraître une peinture, mais une construction réelle. Des odeurs d’encens et de myrrhe viennent jusqu’à nous ; car les barbares, loin de laisser l’air à sa pureté naturelle, le vicient par des parfums. De ces deux doryphores nous dirons qu’ils s’entretiennent au sujet du personnage grec dont leur intelligence étonnée sent confusément la grandeur. Tu as reconnu en effet Thémistocle, le fils de Néoclès, qui, comme tu l’as appris, vint d’Athènes à Babylone, après l’immortelle victoire de Salamine, ne trouvant en Grèce aucun asile sûr et eut avec le grand roi un entretien sur les services qu’il avait rendus à Xerxès, comme général de l’armée grecque. L’appareil des rois Mèdes ne l’intimide pas ; il parle avec assurance comme du haut de la tribune. La langue dont il se sert n’est point la nôtre, mais celle des Mèdes dont il avait fait une longue étude en Perse même. Si tu ne me crois pas, regarde comme les auditeurs témoignent par l’expression du regard qu’ils le comprennent ; comme Thémistocle lui-même, qui a bien d’ailleurs le port de tête d’un orateur, laisse errer ses yeux en homme qui se sert d’une langue nouvellement apprise.



Commentaire.


Thucydide[1] raconte que Thémistocle exilé écrivit à Artaxerxès pour lui offrir ses services ; que, sur la réponse favorable du grand roi, il apprit la langue des Perses et se forma à leurs usages ; qu’après avoir passé une année dans cette espèce d’initiation, il se présenta devant le roi qui l’éleva plus haut que pas un des Grecs venus auprès de lui. On dirait que l’historien voie dans cet accueil fait à Thémistocle par le grand roi une espèce d’hommage rendu à la supériorité de la race grecque ; il place, en effet, après ce récit, l’éloge du génie de Thémistocle et oublie d’être sévère pour sa trahison. Plutarque[2], qui a consulté tous les historiens, ses devanciers, sur cette fameuse entrevue, la raconte avec tous les détails les plus propres à frapper l’imagination du lecteur. Thémistocle s’adresse d’abord à Artaban, capitaine de mille hommes : Artaban répond que ceux-là seuls peuvent entretenir le roi qui consentent à l’adorer. Thémistocle acceptant la condition est introduit et se sert d’un

  1. Thuc., I, 137 et 138.
  2. Plut. Vie de Thém., 28.