Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/519

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Philostrate dit qu’ils semblent s’approprier la sagesse de l’arbre, c’est sans doute parce que leurs figures exprimaient l’admiration et le recueillement. Les six prêtres ont chacun leur rôle, suffisamment indiqué par l’auteur grec. Reste une difficulté : un des prêtres sacrifie ; mais Philostrate a déjà parlé de deux personnages qui viennent l’un pourinterroger, l’autre pour sacrifier. Il y aurait donc dans le tableau deux sacrifices, l’un accompli par le prêtre, l’autre par un pieux adorateur. Nous ne le pensons pas : Philostrate en disant que l’un vient pour consulter l’oracle, l’autre pour sacrifier, ne parle point d’actions représentées ; il indique les motifs qui ont fait entreprendre à tant de personnes le voyage de Dodone. Les prètres interrogent la colombe pour les dévots ; ils accomplissent aussi pour eux les sacrifices. Les prètresses ne touchaient pas sans doute aux instruments du culte, puisque Philostrate se contente de mentionner leur air sombre et sévère. Combien étaient-elles ? Hérodote qui avait vu les prètresses de Dodone, qui les avaient interrogées, prétend qu’elles étaient trois, et il donne leurs noms : Proménie, Timarète et Nicandre (1). Welcker conjecture que le peintre s’était conformé à cette autorité.

Philostrale ne nous donne sur le costume des personnages aucun rensei- gnement, et il serait difficile de suppléer à son silence, Welcker supposant, d’après le récit d’Hérodote, que ces Thébains viennent non de Thèbes, la ville de Cadmos, mais de Thèbes l’égyptienne, s’étonne que le rhéteur n’ait point songé à décrire leur costume étranger. Devons-nous donc nous les repré- senter comme ces assistants qui, dans la cérémonie isiaque d’Herculanum, portent sur leur tête une coiffure en lin bigarrée et par dessus leur tunique sans manches une espèce de manteau, pallium ou palla, également orné de couleurs diverses ? La remarque de Welcker nous amènerait presque à cette conclusion ; toutefois du silence de Philostrate à ce sujet, ne serait-il pas plus juste d’inférer que les personnages qu’il prend pour des Thébains n’ont été introduits dans le tableau par l’artiste que comme la représentation de la foule pieuse qui venait de toutes parts consulter le célèbre oracle de Zeus ? C’est Philostrate qui, se rappelant que la colombe de Dodone est venue d’Égypte, a jugé à propos de voir des Égyptiens dans les personnages qui lui rendent un culte. D’ailleurs, si ce sont des Thébains, est-il bien nécessaire de les considérer comme des Thébains d’Égypte ? Oui, sans doute, si nous adop- tons le récit d’Hérodote ; mais on dirait que Philostrate suive une autre tradi- tion. En effet, d’après Hérodote, la colombe de Dodone s’était envolée de Thèbes en Égypte ; d’après Philostrate, cette même colombe aurait été prise à Thèbes. La légende elle-mèmes’était peut-ètre chargée de confondre les deux villes et de substituer la Thèbes de Cadmos à la Thèbes égyptienne, en modi- fiant également les autres circonstances du récit (2).

(1) Hérod., I, 55.

(2) Sur l’oracle de Dodone et les diverses questions qui le concernent, voir Bouché-Leclercq, Histoire de la divination dans l’antiquité, M, p. 273.

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