Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/520

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Aux personnages dont nous avons’essayé d’indiquer la place et l’attitude, l’artiste avait ajouté une figure allégorique, à laquelle Philostrate donne le nom d’Echo. Le rhéteur voit dans sa présence une allusion à un détail du culte dodonéen qu’il ne fait que mentionner, Des renseignements plus com- plets nous sont nécessaires pour comprendre la pensée de l’artiste et l’inter- prétation de Philostrate. Plusieurs anciens rapportent que le temple de Zeus à Dodone élait formé par une enceinte de bassins ou de trépieds, disposés de telle sorte que si l’un venait à être frappé, tous retentissaient à la ronde et que le son transmis ainsi d’un vase à l’autre exécutait une série innombra- ble de tours (4). Selon d’autres auteurs, il y aurait eu à Dodone deux colonnes voisines, sur l’une un vase d’airain, sur l’autre un enfant armé d’un fouet ; le vent poussait le fouet contre le vase d’airain qui retentissait (2). La première de ces traditions semble avoir été la plus répandue ; c’est celle que paraît adopter Ménandre, quand il compare la langue d’une certaine Myrtile à l’ai- rain de Dodone qui résonne tout le jour, si on le touche, mais se tail pendant la nuit, plus discret en cela que la bavarde qui, une fois qu’elle a commencé, parle jour et nuit (3). C’est aussi celle que suit Philostrate, en y ajoutant tou- tefois ce détail merveilleux qu’il fallait toucher un des bassins pour arrêter les vibrations. Revenant à notre lableau nous avons à nous demander si Echo était une statue ou une jeune fille assistant de loin ou de près à la céré- monie ; ensuite si le geste que lui avait donné l’artiste convenait à son caractère. Nous avons supposé le premier problème résolu, dans notre tra- duction ; le texte de Philostrate n’est point cependant parfaitement clair ; àle traduire littéralement il signifie qu’un Echo d’airain était honoré en ce lieu et qu’on le voyait portant la main à sa bouche. Pourquoi cet écho est-il appelé d’airain ? est-ce parce qu’il était représenté par une statue en airain ? ne serait-ce pas plutôt parce qu’une figure de jeune fille personnifiait le son rendu par l’airain ? Brunn adopte cette dernière supposition ; nous avons de la peine à être de son avis. L’écho d’airain, pour dire l’écho renvoyant le son de l’airain, nous paraît une expression d’une concision outrée qui eùt rendu la phrase inintelligible, mème pour les anciens. Au contraire il est assez naturel de dire qu’un écho d’airain est honoré en un lieu, pour signifier que les hom- mages s’adressent à une statue en airain. L’emploi de ce métal, sans être d’ail- leurs nécessaire à la clarté de l’allégorie, nous paraît en ce sens une convenance de plus qui a pu sourire à un artiste grec. Reste le geste : comment, dit Friederichs, une statue, personnifiant la résonnance de l’airain el d’une airain qui ne se tait jamais s’il n’est Louché, mettrait-elle le doigt sur sa bouche, comme le dieu du silence ? Voilà un être allégorique qui par son geste con-



{1) Demo, De proverbiis, epud Suid.

(2) Zenobius, VI, 5.

(3) In Arrephoro, Meineke, Com. poet. fragm., IV, p. 89. Voir Bouché-Leclercq, ouvr. cité, IT, 306.