Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/528

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leurs vaisseaux, comme il s’est rappelé les expressions du même poète surles eaux sanglantes du Caïque (1) ; il n’a point voulu perdre de semblables ima- ges, sans trop s’inquiéter de savoir s’il laisse le lecteur indécis sur le véritable sujet de la représentation. Nous avons eru reconnaître un exemple du même artifice dans une épigramme sur Thiodamas (2) : « Sans doute, dit le poète, l’artiste a mis sur les lèvres de Thiodamas une plainte, une prière ; Héraclès l’aura entendu et le bœuf est épargné. » Si Thiodamas avait été présent, il n’aurait point eu l’air d’un homme qui prie, comme nous l’avons montré ; puis, s’il l’était, pourquoi l’auteur donne-t-il comme une conjecture son in- terprétation de l’expression de Thiodamas, au lieu de dire qu’il priait bien réellement ? Une fois que nous avons exclu de la composition l’épisode de la fuite des Grecs et que nous considérons l’œuvre comme une statue ou comme une peinture à un seul personnage, le moment pourrait bien être tout autre que ne l’indique Philostrate : Télèphe ne vient pas d’être blessé ; mais il n’est pas encore guéri ; il arrive peut-être dans le camp des Grecs ; il est à Argos, il s’apprête à ravir Oreste. Le sculpteur n’a eu qu’une pensée : repré- senter Télèphe en proie à la douleur. Comme le héros était connu par sa vaillance et sa fermeté, peut-être, outre l’expression de la souffrance, lui avait-il donné un regard résolu et menaçant, qui aura rappelé à l’interprète les vers de Pindare et le combat sur les bords du Caïque.

Certains traits rapportés par Philostrate feraient croire que Télèphe était conçu dans un style assez réaliste. On serait tenté de se demander si le poète, pour mieux louer la puissance de l’art, n’a point exagéré les qualités par lesquelles l’œuvre cherchait à exciter la compassion ; toutefois il n’est guère possible, comme nous l’avons montré, de douter que l’art grec n’ait aimé, surtout dans sa dernière période, à faire de fortes impressions sur l’esprit du spectateur et n’ait eu recours, pour cela, à des moyens violents d’expression.

Télèphe avait-il la jambe enveloppée d’un bandage, comme sur beaucoup de monuments qui le représentent ? Le texte grec peut sembler prêter à cette supposition, Télèphe, est-il dit, « cache en sa cuisse une pesanteur funeste », ce que nous avons traduit : « il couve un mal cruel » ; le mot grec en effet (xeblwv) ne nous paraît pas s’appliquer à un bandage qui aurait recouvert une partie de la cuisse, mais bien plutôt à une douleur dont la cause gît dans la profondeur des chairs. La blessure n’élait pas visible ; la souffrance seule l’était. C’est ainsi que dans une épigramme sur le Philoctète de Parrhasios(3), il n’est point fait mention de la plaie qui rongeait le héros, mais il est dit : « Au dedans la douleur le dévore. »


(1) Pind., OL. ZX, antistr., 3. {2) Voir plus haut, tabl, XXIV, p. 472. (4) Anth. Plan., n° 111.

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