Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/215

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le bras nud, venez icy avec un chappeau de verveine et une ceinture de fougere. Apres je vous diray ce que vous aurez à faire pour participer aux sacrez mysteres de ce lieu, que je vous ouvriray, et declaleray.

Et lors luy prenant la main, je luy dis : Voulez-vous, pour tesmoignage des graces dont la divinité que je sers me favorise, que je vous die une partie de vostre vie, et de ce qui vous adviendra ? – Non pas moy, dit-elle, car je n’ay point tant de curiosité. Mais vous, ma compagne, dit-elle, s’adressant à Leonide, je vous ay veue autresfois desireuse de la sçavoir, passez en à ceste heure vostre envie. – Je vous en supplie, me dit Leonide, en me presentant la main. Alors me ressouvenant de ce que vous m’aviez dit de ces nymphes en particulier, je luy pris la main, et luy demanday, si elle estoit née de jour ou de nuict, et sçachant que c’estoit de nuict, je pris la main gauche, et apres l’avoir quelque temps considerée, je luy dis : Leonide, ceste ligne de vie, nette, bien marquée et longue, vous monstre que vous devez vivre, pour les maladies du corps, assez saine, mais ceste petite croix, qui est sur la mesme ligne, presque au haut de l’angle, qui a deux petites lignes au dessus, et trois au dessous, et ces trois aussi, qui sont à la fin de celle de la vie, vers la restrainte, monstrent en vous des maladies que l’amour vous donnera, qui vous empescheront d’estre aussi saine de l’esprit, que du corps. Et ces cinq ou six poincts, qui, comme petits grains, sont semez çà et là de ceste mesme ligne, me font juger que vous ne hayrez jamais ceux qui vous aimeront, mais plustost que vous vous plairez d’estre aimée, et d’estre servie. Or regardez ceste autre ligne, qui prend de la racine de celle que nous avons desja parlé, et passant par le milieu de la main, s’esleve vers le mont de la lune :