Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/216

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elle s’appelle moyenne naturelle. Ces coupures que vous y voyez, qui paroissent un peu, signifient que vous vous courroucez facilement, et mesme contre ceux, sur qui l’amour vous donne authorité. Et ceste petite estoile, qui tourne contre l’enfleure du poulce, monstre que vous estes pleine de bonté, et de douceur, et que facilement vous perdez vos coleres. Mais voyez vous ceste ligne que nous nommons Mensale, qui se joint avec la moyenne naturelle, en sorte que les deux font un angle ? cela monstre que vous aurez divers troubles en l’entendement pour l’amour, qui vous rendront quelquesfois la vie desagreable : ce que je juge encor mieux, considerant que peu apres la moyenne deffaut, et celle-cy s’assemble avec celle de la vie, si bien qu’elles font l’angle de la Mensale, et de l’autre, car cela m’apprend que tard, ou jamais aurez vous la conclusion de vos desirs.

Je voulois continuer, quand elle retira la main, et me dit, que ce n’estoit pas ce qu’elle me demandoit, car je parlois trop en general, mais qu’elle vouloit sçavoir ce qui adviendroit du dessein qu’elle avoit. Alors je luy respondis : les Numes celestes sçavent eux seuls ce qui est de l’avenir, sinon en tant que par leur bonté, ils en donnent cognoissance à leurs serviteurs. Et cela quelquefois pour le bien public, quelquefois pour satisfaire aux ardantes supplications de ceux, qui plusieurs fois en importunent leurs autels, et bien souvent pour faire paroistre que rien ne leur est caché. Et toutesfois c’est apres au prudent interprete de ce dieu, de n’en rien dire qu’autant qu’il cognoist estre necessaire, par ce que les secrets des dieux ne veulent point estre divulgués sans occasion. Je vous dy cecy, afin que vostre curiosité se contente de ce que je vous en ay discouru un peu moins clairement que vous ne desirez, car il n’est pas necessaire que je