Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/430

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quelque intention, qu’il n’avoit pas osé faire paroistre outre les bornes de sa discretion, fut bien aise que ce subjet se presentast pour esclorre les beaux desseins qu’amour luy avoit fait concevoir, et de donner naissance sous le voile de la fiction à de tres-veritables passions.

Si Polemas ressentit le commencement de ceste nouvelle amitié, le progrez luy en fut encore plus ennuyeux ; d’autant que le commencement estoit convert de l’ombre de la courtoisie, et de l’exemple de toutes les autres nymphes, si bien qu’encor que Galathée le receust avec quelque apparence de douceur, cela par raison ne le pouvoit offenser, puis qu’elle y estoit obligée par la loy qui estoit commune. Mais quand ceste recherche continua, et plus encor, quand passant les bornes de la courtoisie, il vid que c’estoit commune. Mais quand ceste recherche continua, et plus encor, quand passant les bornes de la courtoisie, il vid que c’estoit à bon escient, ce fut lors qu’il ressentit les effets que la jalousie produit en une ame qui aime bien.

Galathée de son costé n’y pensoit point, ou pour le moins ne croyoit pas en venir si avant ; mais les occasions, qui , comme enfilées, se vont trainant l’une l’autre, l’emporterent si avant, que Poblemas pouvoit bien estre excusé en quelque sorte, s’il se laissoit blesser à un glaive si trenchant, et si la jalousie pouvoit plus que l’asseurance que ses services luy donnoient. Lindamor estoit gentil et n’y avoit rien qui se peust desirer en une personne bien née, dont il ne se peust contenter : courtois entre les Dames, brave entre les guerriers, plein de valeur et de courage, autant qu’autre qui ait esté en nostre cour dés plusieurs années. Il avoit esté jusques en l’aage de vingt et cinq ans, sans ressentir les effets qu’amour a accoustumé de causer dans les cœurs de son aage, non que de son naturel il ne fust serviteur des dames, ou qu’il eust faute de courage pour en hazarder quelqu’une. Mais, pour s’estre tousjours occupé à ces exercices, qui esloigenent l’oisiveté,