Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/117

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que comme vous voyez, elle vient augmenter le nombre des belles bergeres de Lignon. Phillis, tant pour satisfaire à la volonté de sa compagne, qu’au devoir auquel les loix de cette contrée l’obli-[65/66]geoient, s’avença incontinent, et l’estrangere en fit de mesme, infiniment satisfaite du bon visage que ces bergeres luy faisoient, desquelles elle ne pouvoit assez admirer la civilité, luy semblant que veritablement elle surpassoit de beaucoup tout ce que desja elle en avoit ouy dire.

Mais d’autant que Diane, quoy qu’elle n’en fit point de semblant, avoit tousjours en l’ame le cuisant desplaisir que Silvandre, sans y penser, luy avoit fait, et que la contrainte en laquelle elle avoit esté depuis que cette estrangere l’avoit interrompue, luy sembloit insuportable, si elle continuoit davantage, elle pensa, que le plustost qu’elle pourroit apprendre le sujet de sa venue en cette contrée, seroit le meilleur pour s’en descharger: Ma sœur, dit-elle, s’adressant à Phillis, cette belle estrangere vient en Forests pour trouver remede à un desplaisir qui la presse, et parce qu’elle merite que chacun de nous la serve, lors que vous estes arrivée, je la suppliois de prendre la peine de me dire le sujet de son voyage, et si vous le trouvez bon, nous continuerons, vous et moy, cette requeste, afin que nous puissions mieux nous acquiter de ce que nous devons à son merite. Phillis au contraire, qui ne desiroit pas d’employer le temps qu’elle prevoyoit qu’il faudroit prendre à ouyr ce discours: Il est