Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/118

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bien à propos, dit-elle, ma sœur, que nous l’en supplyions, de sorte qu’elle nous veuille contenter en cela; mais il me semble que nous ferions un trop grand tort à nostre compagne, si nous la privions de ce contentement, et qu’il vaudra mieux, pour ne luy donner pas la peine de le redire encore un coup, que nous le remettions à une autre fois qu’Astrée y sera.

Diane entendit bien tost pourquoy Phillis le disoit, et luy semblant qu’elle avoit raison, elles s’acheminerent toutes ensemble vers la grande allée, où à peine estoient-elles entrées, qu’elles virent assez pres Florice, Circene, et Palinice, qui ayans longuement débatu entr’elles sur le subjet que Phillis avoit ouy, et s’estant resolues d’avoir encore patience quelque temps, s’alloient promenant le long du petit bras de Lignon, qui costoye d’un bout à l’autre ce beau promenoir, attendant que la trouppe des bergers et des bergeres s’y vinst assembler comme de coustume, afin de passer plus agreablement le reste de la journée.

Lors que cette estrangere les vid, elle ne les recognut point d’abord, fust qu’elle ne croyoit pas qu’elles fussent en cette contrée, ou, que l’habit de bergere, duquel elles estoient revestues, [66/67] luy en ostant la cognoissance, mais s’en estant un peu approchée davantage, lors qu’elles saluerent Diane, elle en recognut plustost la parole que le visage: Ne suis-je point deceue, dit-elle, toute estonnée, apres les avoir considerées quelque temps, ou ne voy-je point les