Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/132

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par ainsi elle se priveroit du plaisir qu’elle avoit d’entretenir la bergere, sans que personne l’interrompist. En ce dessein: Mon serviteur, dit-elle à Astrée, voyez quelle vertu vos discours ont eue contre mon mal; je vous jure que, depuis [74/75] que vous avez pris la peine de venir icy, je ne me suis point ressouvenue d’estre malade, et si vous me le permettez, je me leveray, et nous irons passer le reste ce de matin dans ce petit bois que vous sçavez. – Si j’ay esté cause de ce bien, respondit Astrée, je m’estime la plus heureuse fille de l’univers, n’ayant point une plus grande ambition que de vous pouvoir faire service. – O madame, interrompit Phillis, que nous aymerions toutes Astrée, si vous estiez guerie, et que la paresse que nous luy avons reprochée seroit cherie de nous! – Je vous jure, adjousta la druide, que je ne sens plus de mal, et que si vous me donnez la robe que je dois vestir, vous verrez que nous irons nous promener où il vous plaira.

Phillis courut incontinent querir celle d’Astrée, et luy aydant à la mettre, elle se jeta incontinent à la ruelle du lict, où sans estre veue, elle s’habilla le plus promptement qu’elle put, pour le moins de tout ce qui pouvoit faire descouvrir sa feinte, estant fait par la main de quelque autre; et apres, s’en venant au milieu de la chambre, se laissa coiffer comme elles voulurent, et accommoder le reste de l’habit, ce qu’elles firent si proprement, que cette druide déguisée parut l’une des plus belles bergeres de Lignon; de sorte qu’Astrée, la