Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/133

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voyant telle, ne pust s’empescher de dire à Phillis: Et bien! Phillis, vous semble-t’il que le temps que j’ay mis à me faire une si belle maistresse, ayt esté mal employé? – Vous auriez raison, dit Phillis en sousriant, si vous estiez le frere d’Astrée. – Que vous estes gracieuse! reprit Alexis, mais vous ne sçavez-pas si je le voudrois. – Et quelle difference, repliqua Phillis, en mettant une main sur les costez, feriez-vous d’un frere à une sœur? – Celle-là mesme, dit froidement Alexis, que vous en faites. – Quant à moy, adjousta Phillis, toute la finesse que j’y entends, c’est seulement, parce que je vois qu’en cette contrée, c’est la coustume que, quand-on parle de maistresse et de serviteur, il faut que ce soit une bergere et un berger. – O Phillis! respondit Diane, entre les vierges druides, la coustume est toute contraire. – Et ne sçavez-vous pas, continua Alexis, qu’aux sacrifices de Vesta les hommes ne sont point receus?

Cependant la druide estant toute habillée, et prenant Astrée par la main, la convia de sortir. Et parce que les troupeaux de Diane et de Phillis estoient assez pres de la porte, Alexis voulut essayer de les conduire, expressément pour ne démentir pas l’habit de bergere qu’elle avoit pris; et pour mieux feindre, et oster [75/76] l’opinion à ces filles, qu’elle eust sceu autrefois ce mestier, elle faisoit semblant de ne sçavoir se servir de la houlette, ny comme il falloit parler aux troupeaux, de quoy Astrée ne se pouvoit empescher de rire, ny Alexis mesme, voyant avec quel soing Diane luy enseignoit tout ce qu’elle avoit à faire.