Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/135

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cette demande? – Parce, repliqua Corilas, que malaisément oseras-tu dire que ce soit au jeu de la belle, comme tu disois, quand tu laissas Phillis pour Alexis, puis que je ne pense pas que tu ayes les yeux chassieux de telle sorte, que tu ne voyes bien que celle que tu laisses est plus belle que celle que tu prends. – O ignorant en beauté! s’escria Hylas, et qu’est-ce que tu appelles beau, sinon ce qui plaist? – J’advoue, dit Corilas, que la beauté plaist, mais non pas, que tout ce qui plaist soit beau; de mesme que, ce que le goust depravé juge bon, ne doit pas estre estimé tel pour cela. – Et quoy! mon amy, reprit Hylas, es-tu devenu disciple de Silvandre? Penses-tu, peut-estre, comme luy, que la beauté [76/77] soit une proportion et une meslange de couleurs? O que tu es deceu, si tu as cette croyance! la beauté n’est rien qu’une opinion de celuy qui la juge telle. Et pour te monstrer que je dis vray, quand une fille a la bouche et l’oreille petite, le nez bien proportionné, la peau sans rides, le teint vif, et un embonpoint convenable, n’est-ce pas, Corilas, ce que tu appelles beauté? – Il est vray, respondit le berger. – Or dis moy maintenant, reprit l’inconstant, la beauté et la laideur sont-elles pas contraires? – Il est certain, dit Corilas, que la beauté n’engendra jamais la laideur, et qu’elles sont tellement contraires, que l’une ne peut estre sans destruire l’autre. – Or avoue moy donc, reprit Hylas, que la beauté et la laideur ne sont qu’une opinion, puis que je te vay monstrer