Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/145

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Alexis pouvoit bien en quelque sorte se contenter de cette [82/83] réponce, mais le desir invincible qui la pressoit de sçavoir le sujet de son mal, la contraignit de passer plus outre, et de luy dire: Je suis marrie, mon serviteur, de vous donner cette peine, que je juge bien n’estre pas petite, mais vous devez penser que cette curiosité n’est pas un foible témoignage de l’amitié que je vous porte. Que si cette consideration a quelque pouvoir en vostre ame, je vous conjure de me dire pourquoy et comment ce berger mourut lors qu’il estoit sur le poinct le plus heureux de sa fortune. – Ah! ma maistresse, dit Astrée, en se serrant les mains l’une à l’autre, c’est bien en l’endroit où vous me touchez, que ma playe est la plus sensible, et toutesfois ny cela mesme ne vous sera point refusé, quelque peine que j’en puisse recevoir.

Lors qu’Astrée se preparoit de satisfaire à la druide, elles se treuverent au bout de la petite allée, et quand elles se tournerent pour recommencer leur promenoir, elles virent paroistre à l’autre bout la bergere Diane qui s’en venoit les trouver pour eviter la veue de Silvandre. Astrée fut bien-aise de cette survenue, qui luy servoit d’excuse envers Alexis, si elle ne satisfaisoit poinct à sa curioisité, et Alexis qui n’y vouloit pas avoir tant de tesmoins, fut la premiere à luy dire qu’il estoit à propos de remettre ce discours à une autre fois. Et à mesme temps Diane arriva, monstrant encore en son visage le déplaisir qu’elle avoit receu de la rencontre qu’elle avoit faitte de Silvandre; et