Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/148

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voulez pas qu’elle me die. – Je ne veux pas, reprit incontinent Diane, qu’elle vous die des imaginations pour des veritez, et des imaginations encore qui ne peuvent estre dittes sans m’offenser. Alors Alexis les prenant chacune d’une main, elles s’acheminerent au petit pas vers le lieu d’où venoit Diane.

Et lors Astrée, reprenant la parole: Vous seriez aisée à offenser, ma sœur, dit-elle, si ce que je veux dire le pouvoit faire, car lors que j’assureray à ma maistresse que le changement qu’elle a veu en vostre visage, n’est procedé que de la rencontre que vous avez faite de Silvandre, diray-je quelque chose, qui ne soit pas vraye? [84/85] – Et pourquoy, reprit incontinent Alexis, auroit-elle changé de visage, pour voir une personne qui l’ayme et qui l’honore tant? – Tournez les yeux sur elle, ma maistresse, je vous supplie, dit Astrée, et vous verrez que son visage mesme vous respondra pour moy.

Diane alors, se mettant la main sur les yeux, et tournant la teste de l’autre costé, demeura quelque temps sans vouloir permettre d’estre veue, mais en fin cognoissant bien qu’il estoit impossible que sa compagne mesme ne descouvrist ce qu’elle vouloit cacher, elle se resolut de le dire plustost que de la laisser parler: Madame, luy dit-elle en sousriant, veritablement, ce qu’Astrée veut dire est une pure imagination, et toutesfois, puis que vous la voulez sçavoir; j’ayme autant vous la dire, que si vous l’entendiez de sa bouche, et puis vous jugerez quelle apparence il y a. Vous avez sceu, madame, que pour la gageure que Phillis et Silvandre avoient