Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/150

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bien retirer cette verité, que moy adjouster jamais foy à chose qu’il puisse [85/86] dire. – Et comment, interrompit Alexis, vous avez opinion que Silvandre ayme autre que vous? – Je n’ay jamais eu opinion qu’il m’aymast, dit Diane, ny moins encore la volonté de le souffrir. – Je veux bien croire, reprit Astrée, que vous n’en avez point eu d’opinion, mais qu’il ne soit vray qu’il vous ayme, je m’assure, ma sœur, qu’il n’y a personne qui l’ait veu aupres de vous qui en puisse douter; car à quel dessein, s’il ne vous aymoit pas, aurait-il pris tant de peine? – Pour passer son temps, répondit Diane, ou pour ne sçavoir à quoy l’employer ailleurs. – Et devant, adjousta Astrée, qu’il fist paroistre de vous aymer, n’avait-il point d’employ? Penseriez-vous qu’un esprit fait comme celuy de Silvandre, ne pust trouver en soy-mesme un moyen de s’employer, sinon en servant ou perdant le temps apres une personne qu’il n’aimeroit point? Vous vous souviendrez, ma sœur, s’il vous plaist, de quelle sorte ce berger a vescu devant qu’il tournast les yeux sur vous, et puis obligez moy de considerer quelle vie a esté la sienne, dés le jour qu’il a commencé de vous aymer. Ces soings extremes qu’il avait des troupeaux qu’on luy donnoit en garde, que sont-ils devenus? Direz-vous que ce soit pour passe-temps, s’il les a changez au mespris des affaires d’autruy èt des siennes propres? Quand est-ce qu’il a pensé pouvoir estre aupres de vous, et que quelque necessité qu’il ait eue de se treuver ailleurs l’en ait pu empescher? Quel commandement