Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/163

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pas que Diane s’en soucie, car au contraire, elle loue Diane d’estre exempte de vos importunitez, mais c’est seulement pour vous faire sçavoir que vos tromperies et vos dissimulations sont descouvertes, et qu’il ne faut plus que vous esperiez de nous abuser par vos artifices.

Phillis parloit de cette sorte à Silvandre, non pas qu’elle en eust eu charge de Diane, car la modestie de cette fille estoit telle, et son courage si grand, qu’elle eust plustost éleu de mourir, que [93/94] de donner cognoissance que la trahison qu’elle pensoit estre en Silvandre luy eust dépleu; mais par ce que veritablement elle estoit en colere contre ce berger, et ressentoit comme sienne, l’offense qui avoit esté faitte à sa compagne. Et il fut tres à propos que, durant leurs discours, toute la trouppe se fust entierement éloignée d’eux, autrement il eust esté impossible que chacun ne se fust apperceu du trouble où ces paroles le mirent, qui fut à la verité plus grand que la bergere n’avoit estimé. Le regret de se voir accusé d’une faute qu’il n’avoit point faite, la perte de la bonne grace qu’il avoit esperé d’obtenir en Diane, et les cruelles paroles de Phillis, qu’il jugea bien venir de la part de sa maistresse, le surprindrent de telle sorte, que sans pouvoir proferer un seul mot, il fut contrainct de s’appuyer contre un arbre, où sa foiblesse augmentant, et les jarrets luy venants à deffaillir, il se laissa couler sur la terre, où peu apres une si grande deffaillance de cœur le surprit, que peu à peu il demeura immobile, et sans