Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/164

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point de sentiment.

Phillis qui le vid en cet estat, le tira plusieurs fois au commencement par les bras, et puis voyant qu’il se laissoit aller comme s’il eust esté mort, elle courut au petit ruisseau qui accompagne cette allée jusques dans Lignon, et puisant de l’eau dans ses mains, s’en revint courant la luy jetter au visage; mais tous ces remedes ne luy profitans de rien, elle le laissa toute espouvantée, et s’en courust du costé où elle avoit veu passer toute cette trouppe, pour appeler quelqu’un qui le vinst secourir.

Mais ces bergeres desquels ils s’estoient separez, s’en estoient allez la pluspart en leurs cabanes, parce que l’heure du disner s’approchoit, de sorte qu’elle eust couru longuement en vain, n’eust esté qu’elle apperceut d’assez loing, Astrée, Diane et Alexis, qui s’en venoient le petit pas, pour ouyr la dispute de Silvandre et de Hylas, quoy qu’Alexis et Astrée n’eussent pas grande envie de se faire voir à toute cette trouppe en l’habit qu’elles portoient, ny Diane aussi de se trouver en lieu où fust Silvandre; de sorte qu’il sembloit qu’elles y allassent sans dessein d’y aller, et que le Genie seul de Silvandre fust celuy qui les conduisist pour le voir en l’estat où il estoit. Aussi, lors que Phillis les apperceut, elle commença de leur faire signe de la main pour les haster, estant de sorte estonnée et hors d’haleine, qu’elle ne pouvoit crier; Astrée qui fut la premiere qui la recognut, craignant qu’il ne luy fust arrivé quelque fascheux accident: Allons, je vous [94/95] supplie, dit-elle, au secours de Phillis, je la