Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/165

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void qui court et nous fait signe, il faut qu’elle ait besoing de nous. Toutes alors redoublerent le pas, et Diane à mesme temps, comme si quelque demon eust parlé dans son cœur, sentit une certaine émotion non accoustumée, qui luy fit presque deviner ce qui estoit advenu. Lors que Phillis fut plus pres d’elles, et qu’elle pust se servir de la parole; O dieux! s’escria-t’elle, en joignant les mains, ô dieux! Diane, le pauvre Silvandre est mort. – Silvandre est mort? reprit incontinent Diane, et qui l’a tué? – Vous et moy, repliqua Phillis, vous par le commandement que vous m’avez fait, et moy en vous obeissant. A ce mot, Diane saisie de douleur, ne put luy répondre, ny faire un pas plus avant, donnant bien cognoissance que quand elle avoit dit du mal de Silvandre, son cœur n’y avoit jamais consenty, mais que c’estoit seulement des paroles qu’une amour offensée presoit à la jalousie. Astrée et Alexis, au contraire, qui estimoient la vertu et le merite de ce berger: Est-il bien vray, dirent-elles, qu’il soit mort? – Il n’est que trop vray, adjousta Phillis, le visage tout couvert de larmes, et pour peu que vous me suiviez, je le vous feray voir en l’estat que je dis. Alors se mettant toutes deux au grand pas apres elles, elles ne marcherent guiere sans l’apercevoir estendu de son long, et de la mesme façon que Phillis l’avoit laissé.

Diane qui venoit lentement apres, pour ne découvrir la passion qu’elle vouloit tenir cachée, ne jetta pas si tost les yeux sur le berger, qu’elle se sentit le visage tout mouillé de