Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/192

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de la veritable affection qu’il portoit à Diane. Pour leur oster donc l’opinion que ses larmes leur pouvoient avoir fait concevoir, il s’efforça de leur montrer un visage plus content que n’estoit pas son cœur. Et s’essuyant les yeux le mieux qu’il pust, en feignant de faire quelque autre chose: Combien vous suis-je obligé, leur dit-il, belles bergeres, d’avoir interrompu les fascheuses pensées qui m’affligent, puisque, ne pouvant remedier au mal qu’elles me representoient, c’est bien en vain qu’elles me tourmentent! – Il n’y a une seule de nous, respondit Florice, qui ne soit bien aise de pouvoir soulager les desplaisiers de Silvandre, et qui n’estime toute cette journée pour bien employée, puis que nous avons ce matin rendu un bon office à une si gentil berger. – Et cela d’autant plus, adjousta Circéne, qu’à l’abord nous avons eu crainte d’avoir fait le contraire. – Et comment, respondit le berger, de si belles et si aymables bergeres peuvent-elles penser que leur presence n’apportent par-tout du bon heur et du contentement? – L’estat auquel nous vous avons trouvé, reprit Palinice, nous a mis en cette doute car il y a apparence que toute chose ennuye, quand nous nous ennuyons nous-mesmes.

Silvandre alors jugea bien qu’elles avoient apperceu les larmes qu’il leur vouloit celer et pour leur oster l’opinion qu’elles procedassent d’amour: Il est bien mal-aisé, leur dit-il, sages bergeres, d’avoir les yeux secs, quand de si cruelles pensées nous reviennent en l’ame car ne cognoistre