Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/200

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dans son tribunal, qu’un vieil pasteur tenant sa femme par la main, presque [115/116] de mesme aage, parla à luy de cette sorte: Tres-juste et tres-sage pere, vous voyez devant, vostre tribunal un pere et une mere tres-offencez par un attentat inouy dans ces contrées, et commis contre eux et contre leur fille unique. Et duquel ils vous viennent demander justice en vous conduisant les offencez, les coulpables et les tesmoings; afin que les ayant entendus, vous veuilliez, suivant vostre coustume, maintenir le droit et l’equité, en chastiant les meschants selon leurs demerites.

Le druide alors, avec une gravité telle que demandoit le personnage de juge, les asseura de tenir pour tous une balance si juste que l’offence seroit chastiée, et le bon droit conservé à chacun. Et afin, continua-t’il, que nous puissions donner un jugement plus sain et plus equitable, eslisez d’entre-vous celuy qui n’est point interessé en cette affaire, afin qu’il nous fasse entendre le sujet de vostre differend, sans advantager l’une ny l’autre des parties, et apres, vous alleguerez chacun vos raisons, tant pour accuser celuy qui a commis l’offence, que pour l’en descharger.

Alors, le vieil pasteur se tournant vers ceux qui estoient venus avec luy, comme pour demander qui seroit celuy qui, sans estre interessé pourroit sçavoir les particularitez de ce differend, toute la trouppe jetta l’œil sur une bergere qui estoit venus avec eux. Et parce qu’il sembloit qu’il y eut quelque doute, à cause qu’estant fille, peut-estre le druide pourroit