Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/205

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lors qu’elle venoit le trouver, il luy rendoit compte, non seulement de tout ce qu’il avoit fait, mais de toutes ses plus petites pensées, la conjurant d’avoir soing de sa santé, et de luy remettre en assurance la garde de son troupeau.

Un jour qu’il luy avoit rendu une brebis égarée: Mais, luy dit-elle, Aglante, comment m’acquiteray-je de la peine que vous prenez pour moy? – En me permettant que je vous serve, respondit le berger. – Ce payement, reprit-elle, est bien aisé à faire, mais je crains que ce soit une assez mauvaise monnoye pour satisfaire à une si grande debte. – J’estime tant, adjousta Aglante, la permission que je vous demande, que, si vous me l’accordez, ay rendus, mais pour tous ceux que je pourray jamais vous rendre. – Mais pourquoy, continua-t’elle estimez-vous tant cette permission? – Parce, dit-il, que mon plus grand contentement, c’est d’estre toute ma vie vostre serviteur. – Si voy-je bien, repliqua-t’elle, que les serviteurs que mon pere tient, outre la permission de le servir, demandent encores d’autres gages. – Ceux-là, respondit-il, belle Silvanire, ne sont pas des serviteurs, mais des valets. – Et quelle difference, dit-elle, y mettez-vous? – Les valets, repliqua Aglante sont mercenaires, et servent pour de l’argent; mais les serviteurs, d’autant que tout ce qu’ils font est par affection et par amour, le plus souvent s’appellent amants, et se contentent de voir que leurs services sont agréables à ceux à qui ils les veulent rendre. – je