Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/212

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plus grand que, lors qu’elle n’estoit pas en aage de cognoistre l’amour, elle m’a fait paroistre de m’aymer mais depuis qu’elle a pu sçavoir quelles estoient ses forces, elle m’a tant donné de coignoissance de ne les point ressentir, que je seris le plus ignorant qui vive, si je ne jugeois qu’elle est insensible. – Peut-estre, dit le prudent vieillard, elle veut esprouver vostre constance? – Pour un essay, respondit Aglante, le terme de quatre ans est trop long. – N’en ayme-t’elle point quelqu’autre? adjousta le pasteur. – mais, reprit Aglante, il faut demander si elle daigne tourner les yeux sur elle-mesme.- Luy avez-vous jamais donné sujet, continua-t’il, de changer la bonne volonté qu’elle vous faisoit paroistre? – Non point que je sçache, respondit Aglante, sinon en la trop aymant.

Or je veux, reprit le vieillard, qu’à ce coup vous me croyiez, et je m’assure que vous ne vous en repentirez point. Ou cette file vous ayme, mais elle le veut dissimuler, ou suivant l’humeur de la plupart de son sexe, elle se veut retirer de vous pour se donner à quelqu’autre. – Je vous assure, replique Argante, qu’on ne la doit point accuser du dernier, car elle traitte envers tout autre comme envers moy. – Tant mieux, continua le pasteur, car si elle s’estoit engagée à quelque autre affection, vous auriez bien plus de difficulté en vostre entreprise. Elle dissimule donc, ou pour vous donner plus d’affection, sçachant bien que les choses les plus difficiles dont les plus desirées. – En cela, interrompit Aglante, mon pere vous vous trompez, car elle ne sçauroit vouloir