Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/31

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fis autre chose que changer Celadon en Lucinde, et vous-mesmes approuvastes mon dessein, lors que je l’habillois en fille. Mais pourquoy vous l’eusse-je voulu faire perdre, et quel interest y pouvois-je avoir? – Si vous n’y en aviez point, reprit la nymphe, pourquoy me poursuiviez-vous continuellement pour le laisser retourner vers son Astrée? – Plusieurs raisons, respondit Leonide, me le faisoient faire. Premierement je craignois que cet homme ne fust veu parmy nous, car quelle offence n’eussiez-vous point faitte à vostre reputation si l’on en eust eu cognoissance. Puis, l’ingratitude et le [14/15] mespris de ce berger me desplaisoient grandement, me semblant qu’il estoit indigne de l’honneur que vous luy faisiez, et qu’il sçavoit si mal recognoistre. Mais ce qui m’y faisoit le plus opiniastrer, c’estoit que je sçavois asseurément que vous estiez trompée, et que ceste trahison avoit esté inventée par ce meschant homme Polemas, avec le druide, ou pour mieux dire, avec cet abuseur Climante. – Et comment sçaviez-vous si asseurément, dit-elle, cette meschanceté? – Je le vous dis bien en ce temps-là, madame, respondit-elle, mais la passion vous empescha de me croire. Vous m’envoyastes chercher Adamas pour la maladie de Celadon, et, de fortune, arrivant fort tard dans un logis, je fus mise pres de la chambre où Polemas et Climante tous seuls se treuverent couchez; et le matin, qu’ils ne pensoient estre escoutez de personne, j’ouis toute la tromperie qu’