Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/38

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moy que leur conversation est telle que qui s’ennuyera de vivre en leur compagnie, sera sans doute de bien mauvaise humeur. Figurez-vous, madame, que cet âge doré que l’on nous va despeignant pour nous faire envier le bon-heur des premiers hommes, ne sçauroit ayoir eu tant de douceurs, ny tant [18/19] de contentemens qu’il s’en rencontre auprés d’elles. – Vrayment, Leonide, adjousta la Nymphe, vous en parlez de façon que vous me feriez prendre envie de devenir bergere. – Madame, reprit Leonide, je ne doute point que si une fois vous aviez gousté le repos et la tranquilité qui s’y retrouve, vous ne vous en separeriez pas aisément. – Et toutesfois, continua Galathée, encor se trouve-t’il parmy elles des soings et des inquietudes; car n’est-il pas vray que, quand elles perdirent Celadon, elles en ressentirent du desplaisir? – II est impossible, repliqua Leonide, qu’estant au monde, elles ne soient subjettes aux tributs de l’humanité, mais je les appelle heureuses, et exemptes d’inquietude, quand je considere nos peines et les leurs, les leurs, dis-je, qui, au prix des nostres, ne semblent point estre d’une qualité sensible. – Je ne sçay, reprit Galathée, comme vous les estimez si petite; si me semble-t’il avoir ouy dire que non seulement Astrée, mais tous ceux du hameau, en ont porté un tres-grand deuil – Il faudroit respondit Leonide, qu’elles fussent insensibles, si la perte d’un berger tant accomply ne les avoit touchées. – Je m’asseure, reprit alors assez finement Galathée, que si la perte leur