Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/55

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les portes; et, au contraire, le feu venant à s’estaindre, et l’air retournant en sa place, la pesanteur du poids tirant les cordes en bas, fait tourner les pivots, et les portes se referment. II faut en cela avoir le jugement de cognoistre le temps [28/29] que l’autel est assez eschauffé, et aussi, quand il est assez refroidy, pour commander aux portes à temps de s’ouvrir ou de se refermer; car il n’y a personne qui, en voyant l’effect, s’il ne sçait l’artifice, ne croye que ce soit une chose surnaturelle. Et, en cette occasion, je me puis veritablement louer de ma fortune, car je n’avois pas si tost proferé la parole, que les portes s’ouvroient ou se refermoient, et cela si à temps, que je pris bien garde que Leonide et Silvie en estoient si effroyées, que presque elles en trembloient.

– J’avoue, dit alors Polemas, qu’un homme d’esprit ne se peut achepter, et qu’il n’y a au monde qu’un Climante, ne croyant pas qu’autre que luy ait jamais pense à un si bel artifice. Et quant à moy, je ne doute point que ces filles n’y ayent bien esté trompées, car je pense estre un peu plus difficile à decevoir qu’elles, et toutesfois je confesse que je n’eusse pu me demesler de cet artifice. Mais mon cher amy, continua-t’il en l’embrassant, quelle fin pensez-vous que doive avoir nostre dessein? – La plus heureuse, sans doute, dit-il, que nous puissions desirer, car encores que des choses futures le jugement soit fort incertain, si est-ce et je vous supplie retenir cecy de moy, que presque infailliblement un commencement heureux est suivy d’une heureuse