Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/57

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n’a pas la consideration qu’elle devroit avoir pour son contentement, et pour le bien et repos de ses Estats, mais elle a d’autres desseins bien esloignés des miens. – Et qu’en sçavez-vous? reprit Climante. Peut-estre desire-t’elle plus que vous ce que vous voulez, mais elle n’en sçait trouver les moyens : n’est-il pas vray qu’autrefois elle vous a aymé? – II est vray, respondit-il, mais Lindamor, je ne sçay comment, me l’osta de la main. – Or souvenez-vous, adjousta Climante, que ce qui a esté une fois, le peut bien estre deux. Le naturel d’une femme, et mesme qui est jeune, c’est de vouloir tout, et ne vouloir rien: je veux dire que sa volonté se laisse emporter à tous les objects qui luy semblent bons, beaux, ou nouveaux, mais sans s’obliger à pas un solidement; de sorte que quand quelque chose se presente à ses yeux, elle le reçoit autant qu’il luy plaist, et ainsi elle veut tout, mais elle ne veut rien, parce que cette volonté est en cela comme un navire sur une plage, sans nul ancre. Et toutesfois, si par les conjectures nous pouvons avoir quelque cognoissance des choses cachées, dites-moy, je vous supplie, si elle n’avoit dessein d’observer ce que je luy ay dit, à quelle occasion auroit-elle esté si curieuse de m’envoyer Leonide, pour me prier tant instamment de l’aller trouver? Non, croyez-moy, ou je suis le plus trompé qui vive, ou il me semble de lire dans son cœur, qu’elle attend avec une impatience extréme de me voir, pour se remettre entierement entre mes