Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/66

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prudence si grande que continuellement elle pust estre tendue à se garder de cheoir ou, pour le moins, de chopper en un chemin si mal-aisé et si raboteux.

Cette resolution faite, il delibera pour tirer quelque advantage de l’entreprise qu’Adamas avoit si bien acheminée, d’employer de sorte le temps qu’il demeureroit en ce lieu, qu’un seul moment n’en fust inutilement dependu. Pour en estre donc bon mesnager, il alla longuement cherchant en soy-mesme en quoy il le devoit plus soigneusement employer; et il luy sembla qu’il estoit tres à propos d’engager tousjours davantage cette bergere en l’amitié qu’il cognoissoit qu’elle avoit pour luy, jugeant avec beaucoup de raison que, venant apres à le recognoistre pour tel qu’il estoit, mal-aisément pourroit-elle consentir à un second esloignement. Et d’autant qu’il s’avoit bien que nous sommes grandement poussez, par l’exemple des personnes que nous estimons, à faire des choses ausquelles nous ne consentirions point autrement, il fit dessein de luy tesmoigner une amour, non pas telle que les filles ont accoustumé de se porter les unes aux autres, mais la plus ressemblante qu’elle pourroit à celle que Celadon souloit [35/36] avoir pour Astrée, afin de l’attirer par son exemple à une semblable affection, et apres, l’emporter insensiblement de l’amitié à l’amour.

Mais quand il voulut mettre cette pensée en effect, il y trouva bien plus de difficulté qu’il ne s’estoit proposé, estant bien mal-aise qu’il se fist paroistre