Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/68

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arrache de l’estomach, et tels que sont ceux que j’ay ouys. – Je ne sçay, adjousta Astrée, si nous devons parler en sorte qu’elle nous entende, car je crois que ce n’est pas un petit service, que d’interrompre de fascheuses pensées; et toutesfois, si elle dormoit, il ne faudroit pas l’esveiller. – Asseurément, reprit Phillis, elle ne dort point, car elle s’est diverses fois tournée dans son lict. Mais peut-estre demeure-t’elle sans parler, pour la mesme consideration qui nous a fait si longtemps estre muettes à son occasion, je veux dire, de peur de nous esveiller.

Astrée impatiente, pour voir si sa compagne disoit vray, entr’ouvrit un peu le rideau de son lict, mais elle ne le put faire si doucement, qu’Alexis ne s’en prist garde, qui, parmy toute la confusion [36/37] de ses pensées, avoit tousjours son cœur vers elle, et qui n’eust pas si long temps demeuré dans le lict où elle estoit, n’eust esté, pour faire croire à Phillis, qu’encores que son mal ne fust pas grand, il estoit toutesfois veritable. Astrée, qui cognut par l’ouverture qu’Alexis fit incontinent de son lict, qu’elle ne dormoit pas: Madame, luy dit-elle, nous sommes en peine de vostre santé, pour vous avoir ouy plaindre, depuis que Leonide vous a esveillée. – Mes cheres filles, respondit Alexis, je ne vaux pas la peine que je vous donne, et le soing que vous avez de moy est tel que, si j’avois un mal beaucoup plus grand, il seroit entierement capable de le guarir. Et toutesfois, si vous le trouvez bon, je seray bien aise de ne point sortir de la chambre ce matin, pour essayer si un petit mal de teste, qui semble s’estre