Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/70

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Et, à ce mot, se jettant hors du lict, elle se mit sa robe sur les espaules; mais Alexis, qui avoit bonne memoire qu’elle luy avoit promis de s’habiller ce jour-là des habits de druide, l’en empescha en la sommant de sa parole: Ma belle fille, luy dit-elle, vous [37/38] sçavez bien que vostre promesse vous oblige à faire aujourd’huy le personnage de fille druide. Ce me sera un extréme contentement de vous voir vestue de mes habits. – Madame, respondit-elle, que direz-vous de moy, si je commets cette faute? car, en effect, c’est une trop grande outrecuidance à une bergere. – A une bergere? repliqua Alexis, cela pourroit estre; mais non pas à une bergere telle qu’est Astrée, de qui le merite surpasse celuy de toutes les druides que je cognois. Et pource, si vous me voulez obliger, laissant toutes ces considerations à part, faites, je vous supplie, puis que pour l’amour de vous j’ay esté bergere, et la seray, tant qu’il vous plaira, que pour l’amour de moy vous soyez aujourd’huy druide. Et à ce mot, luy tendant les bras: Si j’estois vestue, continua-t’elle, je ne vous donneray pas la peine de venir icy, mais puis que mon mal me retient au lict, approchez-vous, ma belle fille, afin que je vous ayde à vestir.

La bergere alors, toute honteuse, pour luy obeyr, s’approchant d’Alexis, se laissa aller entre les bras de ce berger, qui s’estant desjà relevé sur le lict, et bien serré l’ouverture de sa chemise pour cacher le defaut de son sein, il la receut avec un si grand ravissement, qu’il fut bien à propos que Phillis cependant fust dans la ruelle de son lict où