Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/71

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elle s’habilloit, car il eust esté à craindre si elle l’eust veu, qu’elle n’en fust entrée en quelque soupçon. Et quoy qu’Astrée n’eust pas moins d’esprit ny de jugement que sa compagne, si est-ce qu’elle n’y pensa point, pour la honte qu’elle avoit de se trouver en chemise devant cette druide, et que ses caresses luy estoient desjà presque passées en coustume, outre que l’extreme affection qu’elle luy portoit, luy faisoit prendre en bonne part tout ce qui procedoit d’elle.

Celadon eust bien voulu continuer plus longuement ses caresses, mais les considerations qu’il venoit de faire le contraignirent de s’en retirer plustost qu’il n’eust pas voulu; et luy aydant à vestir, il n’y eut ny beauté du sein, ny presque de tout le reste du corps, qui ne fust permise à ses yeux qui, ravis de tant de perfections, desiroient que tout Celadon fust comme un autre Argus, couvert de divers yeux, pour mieux pouvoir contempler tant de parfaites raretez. Ce ravissement luy occupoit de façon l’esprit que, sans penser à ce qu’il faisoit, il luy mit et remit deux ou trois fois à rebours les manches de cette robe, devant que la luy donner comme il falloit; dequoy Astrée, qui ne prenoit pas garde d’où les fautes procedoient, ne se pouvoit empescher de sousrire et, à chaque [38/39] fois, payer sa peine de plusieurs caresses, desquelles elle ne se pouvoit lasser, et que cette craintive druide n’osoit presque luy rendre, de peur de se relascher en des actions que le personnage d’Alexis peut-estre luy defendoit, si