Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/79

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grande Vesta, et par la Vierge, que les Carnutes disent devoir enfanter, que je suis tellement esloignée de toutes ces affections, que plusieurs autres filles de mon àge pourroient ressentir que jamais je n’ay aymé homme quelconque pour ce subject, et que toutes mes passions ont tousjours esté employées en l’amitie d’une fille, que j’ay veritablement aymée, autant que je pouvois aymer alors, mais non pas à l’esgal de ce que je vous ayme maintenant. Et il faut que vous riez de mon humeur: je prenois autant de plaisir à estre caressée d’elle, que si j’eusse esté un homme, et non pas une fille. Et c’est le bon, que je sens renouveller ceste mesme humeur en moy, quand je suis auprés de vous, ce que je ne sçay à quoy attribuer, sinon à l’excez de l’affection que je vous porte, et que je ne voudrois pas toutesfois vous estre desagreable ny ennuyeuse.

Astrée alors, monstrant bien en son visage le contentement que ces paroles luy donnoient, luy respondit: Ce seroit à moy, madame, d’user de ces excuses envers vous, qui avec raison dois craindre de vous estre importune, par la trop grande liberté que mon affection me donne; car j’avoue avoir aymé un berger, mais je diray bien, avec verité, de n’avoir jamais eu tant de contentement de parler à luy, et d’en recevoir quelque tesmoignage de bonne volonté, que je fais d’estre auprés de vous. – O Dieu! dit Alexis, combien dois-je remercier la bonté du Ciel, qui ayant voulu me sousmettre à cette affection que je vous porte, vous en a de mesme donné une semblable, afin que je puisse vivre auprés de vous, avec