Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/80

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toute sorte de contentement et d’honneste liberté sans estre retenue par les doutes que je vous ay dites, et qui pouvoient mesler quelque amertume parmy les douceurs d’une si heureuse vie!

Et lors, luy tendant la main: Vous voulez donc bien, continua-t’elle, ma belle bergere, que nous vivions, quand nous serons en [43/44] particulier, avec la mesme franchise que nous avons fait jusques icy. Je dis, en particulier, car devant le reste des bergers et des bergeres, il est à propos d’estre un peu plus retenues, pour ne leur donner occasion de soupçonner de nous chose qui nous puisse estre desavantageuse. – Comment, reprit la bergere, si je le veux? Mais ne seroit-ce point me faire mourir de regret, que de me le defendre? Mais, madame, puis que vous voyez que j’observe si bien la premiere chose, que vous m’avez ditte estre necessaire pour avoir le bon-heur de demeurer eternellement auprés de vostre personne, que tardez-vous à me dire l’autre que vous m’avez promise, afin qu’en l’effectuant, je me puisse dire la plus heureuse fille qui fust jamais? – Belle bergere, luy respondit Alexis, il n’est pas encore temps que je la vous die; mais puis que je vous voy en cette volonté, je vous promets que, quand je penseray qu’il sera à propos, je vous la feray sçavoir, sans que vous ayez la peine de me la demander. Et cependant, pour essayer si cette vie nous sera aussi agreable que nous nous l’imaginons, je suis d’avis que dés à cette heure nous commencions à vivre comme nous devons