Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/81

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faire le reste de nos jours, je veux dire avec l’honneste liberté que deux parfaites amies doivent avoir ensemble. Et en premier lieu, rayons, je vous supplie, de nos discours, tous ces mots de madame et de druide, afin que l’amitié qui doit estre à jamais entre nous commence d’user de ses privileges. – Vous me permettrez, s’il vous plaist, madame, dit Astrée, qu’en quelque lieu et en quelque qualité que je puisse estre, je vous rende tousjours les respects que je vous dois. Et tant s’en fant que cela m’empesche de jouyr des contentemens que j’espere auprés de vous, que ce sera me les augmenter de beaucoup, quand je penseray que je demeure dans les termes de mon devoir. – Vous vous trompez, respondit Alexis, et si vous pouvez cela sur vous, je ne le puis pas sur moy, qui ne veux souffrir qu’une personne qui doit estre une autre moy-mesme use de ces paroles qui temoignent qu’il y a de la difference. Car si le principal effect de l’amour a toujours esté l’union, pourquoy voulez-vous que nous souffrions que ces tyrannies, que l’on deguise du nom de respect et de civilité, nous empeschent ce meslange et cette union parfaite de volontez qui doit estre entre nous? J’ordonne donc qu’Astrée sera Alexis, et qu’Alexis sera Astrée, et que nous bannirons de nous, non seulement toutes les paroles, mais toutes les moindres actions qui peuvent mettre quelque difference entre nous. Et vous verrez [44/45] que nous n’aurons pas vescu longuement ensemble avec cette franchise, que l’amitié