Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/82

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que vous me portez s’augmentera au double.

– Vous me permettrez donc, madame, repliqua Astrée, de vous en demander un commandement, afin que l’obeyssanee qu’en cela je vous rendray, couvre la faute que j’y pourrois commettre. – S’il ne faut que cela, adjousta Alexis, pour vostre contentement, je vous le commande, avec promesse que je vous fay de n’y contrevenir de ma vie. Et parce qu’il est bien à propos que nous nous conformions à la façon des personnes avec lesquelles nous voulons vivre, sçachez, bergere, que la coustume des filles druides qui sont aux Carnutes, est de ne s’appeller jamais par leurs propres noms, mais par d’autres que l’amitie qu’elles se portent leur fait inventer, et qui temoignent la bonne volonté qu’elles ont les unes pour les autres; et ces nouveaux noms parmy elles sont appellez des alliances, comme si l’on vouloit dire que par là on se lie de plus fort devoirs et de plus forte affection. Je suis donc d’avis que nous en fassions de mesme, tant pour nous obliger par cette nouvelle confirmation d’amitié à une plus entiere amour, que pour faire paroistre à ces filles, quand nous serons parmy elles, que non seulement nous sçavons et apprenons leurs coustumes, mais que nous les voulons religieusement observer. Et quand j’y ay bien pensé, je n’en trouve point une qui, ce me semble, nous puisse estre plus à propos que celle de maistresse et de serviteur, tan par ce que ce ne sont point paroles recherchées, et qui ne soient ordinaires