Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/89

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Et lors qu’elle s’estonnoit le plus dequoy ils estoient venus s’arrester en ce lieu, comme si c’eust esté par un dessein premedité, elle ouyt qu’il y eut un berger d’entr’eux qui reprit la parole de cette sorte: O Delphire! que vous estes severe juge, de condamner ainsi une personne sans avoir ouy ses raisons! – Mais, Taumantes, respondit la bergere, vous estes bien plus gracieux de penser que je ne sçache pas que vous avez plus de peine à me deguiser de mauvaises excuses par vos feintes raisons, que je n’en auray à les convaincre de fausseté aussi-tost que vous les aurez inventées. – Si les dieux, reprit le berger, eussent cognu que vostre ame interessée eust pu donner un bon jugement sur le differend qui est entre nous, ils ne nous eussent pas ordonné de venir chercher en ce lieu le juge qu’ils nous ont destiné. – Les dieux, repliqua la bergere, ne m’en ont pas voulu establir juge pour le sujet que vous dittes, car asseurez vous, Taumantes, que je n’y suis nullement interessée, mais parce, que comme il leur plaist que les louables actions des hommes soient divulguées, pour commencer de leur donner quelque recompense de leur vertu, de mesme veulent-ils bien souvent, que celles qui sont blasmables soient publiées pour un premier chastiment de l’erreur, et de la faute qu’ils ont commise. – Si les chastimens et la recompense, dit le berger, se devoient attendre de leurs mains, selon la qualité de nos actions, o Delphire! que j’ay pitié de vous! et que vous vous trouverez foible