Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/90

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pour supporter la pesanteur des peines qui sont deues à vostre cruauté; et je ne sçay comme mon cœur qui a tant desaccoustumé de gouster le bien, sera capable de recevoir ceux qui luy sont preparez, puis qu’ils sont sans nombre et sans mesure, s’ils doivent repondre à mes affections et à ma fidelité. – Si nous rencontrons un juste juge, adjousta la bergere en sousriant, j’ay peur que vous me ferez plus de pitié que d’envie. – Ce seroit un changement bien estrange, repliqua le berger, si vostre ame se laissoit atteindre à la pitié du mal que quelqu’autre me feroit; puis que jamais elle n’en a pu estre touchée pour tant de peines que vostre rigueur m’a fait souffrir. – Si ces reproches, respondit-elle soudain, sont veritables, j’estime [49/50] davantage mon jugement, d’avoir si bien sceu recognoistre la qualité de vostre feinte affection; et si elles sont fausses, vous estes d’autant plus à blasmer, que vostre legereté et vostre inconstance vous ont fait mecognoistre les obligations que vous m’avez. Mais, Taumantes, continua-t’elle, mettons fin quelquefois à ces discours. Je voy bien que vous le faites pour plaire à quelques-uns de cette compagnie; asseurez-vous que les plus sains jugements ne sont pas ceux qui les appreuvent. – Je sçay bien, reprit le berger, qu’il n’y a rien qui fasche tant celuy qui a tort, que d’ouyr parler de ce qui le touche, parce que c’est tousjours luy representer le peu de raison qu’il a, et qu’au contraire, celuy qui a la justice de son costé ne se peut