Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/93

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A peine ce berger eut achevé ces vers, que Delphire luy dit: II ne faut point un meilleur tesmoignage du changement que vous avez fait, que celuy que vous en donnez, en mesprisant rmes commandemens, ce qu’autresfois vous n’eussiez osé faire, quand il fust allé de votre vie, car chanter ou parler, quand on dit ce qui a esté defendu, c’est toujours, ce me semble, une mesme faute. Le berger ne respondit rien, mais pliant les espaules, fit signe qu’il avoit la langue liée; et cela donna occasion à un autre berger de la troupe de prendre la parole pour luy, et dire: Ne vouloir pas que celuy qui souffre se puisse plaindre dans l’effort de son tourment, c’est, ce me semble, un excez de cruauté. – Je croy [51/52] ce que vous dites, respondit la bergere, mais aussi ne me nierez-vous pas que de souffrir la plainte importune de celuy qui n’a point de mal ne soit un excez de patience. – Mais repliqua-t’il, puis que vous ne voulez pas que Taumantes parle, à quel dessein estes-vous venus en ce lieu? – Nous y sommes venus, reprit-elle, non pas pour disputer, comme nous faisons, mais pour y trouver le juge que l’oracle nous a promis. – Et à quoy pourrez-vous bien recognoistre ce juge, repliqua-t’il, ny sçavoir asseurément si c’est icy le lieu où vous le devez trouver? – Du lieu, adjousta Delphire, il n’y a point de doute, parce qu’il est fort bien nommé, nous ayant dit que c’estoit où Celadon estoit tombé dans l’eau; et il n’y a personne en tout ce rivage qui ne sçache bien que c’est icy le lieu malheureux, ayant esté assez remarque