Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/97

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que le Ciel ordonne sur vostre different.

Et à ce mot, sortant de ce buisson, et s’efforçant de montrer un visage assez content, elle s’en alla vers eux, qui tous estonnez d’ouyr si prez d’eux, et tant inopinément cette voix, estoient demeurez presque immobiles, mais quand ils recognurent Diane, ce fut un contentement universel que celuy qu’ils en eurent; car il n’y en avoit pas un en toute la trouppe qui ne cognust la vertu et le merite de cette bergere, et Taumantes, transporté d’aise d’avoir un tel juge, la vint recevoir avec un genouil en terre, et s’efforçant de luy baiser la main. Mais Diane ne la luy voulant permettre, apres luy avoir rendu le salut, s’en alla vers Delphire, qu’elle embrassa avec tant de bonne chere, que Taumantes, qui estoit tres-gentil berger, feignant d’en estre envieux: Nostre juge, dit-il assez haut, j’ay peur que vous ne soyez partial en vostre jugement, aussi bien qu’en vos caresses. Diane sousriant: Tant s’en faut, dit-elle, c’est pour n’estre point partiale que j’en use ainsi, car un bon juge doit balancer toutes choses selon l’equité; et n’est-il pas juste de rendre à chacun ce qui luy est deu? Delphire alors, prenant la parole: C’est la coustume des hommes, dit-elle, et mesme de ceux qui ont mauvaise cause, de redouter le jugement des personnes equitables, et de prevenir par impostures, afin que, quand la sentence est donnée, s’ils en ont le mal, ils puissent au moins en partie se descharger de la honte qui leur en demeure. Mais, Taumantes, continua-