Page:Urfé - L’Astrée, Quatrième partie, 1632.djvu/98

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t’elle, s’adressant au berger, j’avoue que les fayeurs que je reçois de cette belle bergere, ne me sont non plus deues qu’à vous; mais recognoissez aussi, que ce qui se donne par liberalité, ne peut point estre demandé par obligation, et que vous avez tort de demander part aux graces qu’il luy plaist de me faire, n’y en ayant point, qui par raison, puisse estre pretendue, ny de vous, ny de moy. Taumantes respondit: Ne vous estonnez point; belle Delphire, que celuy qui vous a tant importunée par ses fascheuses demandes, continue de demander, en ayant fait une telle habitude. – Ne vous estonnez aussi non plus, respondit-elle, d’estre refusé à cette fois, puis que desjà vous avez tant accoustumé de l’estre.

Leur discours eut plus longuement continue, si les autres bergers et bergeres, venans saluer Diane, ne l’eussent interrompu; [54/55] mais ils furent contraints de donner temps à toute la trouppe, qui estoit assez grande, de rendre ce devoir à cette belle bergere. Et soudain apres, Delphire reprenant la parole: Belle et discrette bergere, luy dit-elle, j’ay tousjours ouy dire, que les Graces ne se peignent jamais seules, pour nous faire entendre que celuy qui en fait une l’accompagne incontinent de plusieurs autres, ou, peut-estre que celuy qui la reçoit, prend courage d’en demander tousjours de nouvelles. Si cela est, nous voulons esperer, ce berger et moy, qu’à celle que vous venez de nous faire, vous en adjousterez encore quelques autres, desquelles nous voulons vous supplier. – Gratieuse