Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/100

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qu’il fait bon prester à Thamire, parce qu’il ne paye pas seulement le principal, mais porté d’un courage genereux rend ensemble l’interest, qui tesmoigne qu’il n’est point ingrat ; mais je nie tout à fait qu’en ceste action il n’y eut rien qui l’y peust obliger que sa volonté. Et toutesfois, soit ainsi que sa seule volonté l’y ait obligé, et que ce soit pour se satisfaire à soy-mesme : contrevenant à l’effet de cette volonté, ne contrevient-il point à sa propre satisfaction ? Que s’il met et ligne des obligations que je luy ay, le don qu’il m’a fait de Celidée, appellera-t’il cela pure et franche volonté, puis que ce qui m’oblige à luy, c’est ce qui le despouille de la chose qu’il pretend ? Et par ainsi s’il regarde ce qu’il a deu à la memoire de mon pere, s’il considere ce qu’il devoit à soy-mesme, et s’il tourne les yeux sur l’obligation dont il m’a voulu lier, il verra que cette action n’a point esté de pure et franche volonté, mais que pour le regard de mon pere, ce n’a esté que rendre fidellement ce que l’on avoit remis en ses mains, et en cela il s’est monstré homme de bien, et plein de preud’hommie, de ne nier point une dette don’t l’obligation n’estoit qu’en sa memoire. Et pour son regard, il a esté veritablement juste de payer si franchement et sans se le faire demander, le tribut à quoy le parentage qui estoit entre nous, et l’amitié qu’il me portoit l’avoient obligé.