Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/1002

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point esté captive, et je ne serois pas demeuré en Italie, lors que l’on l’emmena en Affrique.

O Dieux ! comment puis-je me ressouvenir de cet accident sans mourir ! Je sors de Rome avec quelques-uns de mes amis, sans dire à personne mon dessein, non pas mesme à mon cher Olimbre, à qui je ne peus parler en partant; parce qu’il estoit aupres de Gensenc, qui l’avoit pris en amitié depuis son voyage d’Affrique ; et par le commandement de Eudoxe il ne bougeoit guere d’aupres de luy, afin de conserver la ville le plus qu’il luy estoit possible, d’autant qu’à sa requeste il faisoit plusieurs graces à diverses personnes. J’envoyay depuis vers luy, afin qu’il asseurast Eudoxe que je la sortirois des mains de ces barbares, ou que je mourrois en la peine. Elle qui avoit un jugement fort sain, cogneut bien que mon entreprise estoit impossible pour le grand nombre de soldats que Genseric avoit amené, qui passoient trois cens mille hommes. Et si elle eust sceu en quel lieu j’estois, c’est sans doute qu’elle m’eust deffendu d’executer ce dessein, mais pour n’estre surpris des Vandales, je ne demeurois jamais une nuit entiere en un lieu.

Je r’amassay environ mille chevaux, et si j’eusse eu plus de loisir, peut-estre eussé-je fait une telle armée que ces barbares ne s’en fussent pas tous allez en Affrique si chargez de nos despouilles, sans pour le moins esprouver combien pesent